8 & 9 août 2022 : zero day - 0 mi / 0 km - D+ 0m / D- 0m - Total : 2175 miles / 3504 km
Dernière journée avec mes camarades…
Nous repartons de chez les parents de Sweeper en direction de Cascade Locks et du Bridge of the Gods.
Nous traînons un peu dans Cascade Locks avant d’aller enfin traverser le pont.
Nous passons d’abord par une réplique du monument de départ et d’arrivée qui indique les 495 miles restants, puis nous rendons à la bakery.
Cascade Locks est là où se passera les trail days dans une semaine. C’est un gros rassemblement de randonneurs comme un salon avec des exposants, des marques, mais avec la booze en plus et en surabondance et quelques substances légèrement illicites : le Woodstock des hikers en plein cœur de l’été.
Il m’a traversé l’esprit d’y aller par curiosité mais quand on est sur la route avec déjà le minimum de matos, on a rien à acheter.
Ne resterait que la partie festive qui ne me déplaît pas, loin de là mais cela impliquerait de revenir en arrière, et de se creuser la tête en terme de logistique.
Mon esprit est plutôt fixé sur le bout de mon aventure.
En traversant le pont, je vais rentrer dans le Washington et je commence à percevoir l’issue. Je veux donc profiter à fond de mes 3 ou 4 dernières semaines et de ma solitude.
Ça y est, après le passage d’une petite guérite servant de péage, je m’apprête à quitter l’Oregon et à rentrer dans le Washington et à marcher sur ce pont mythique.
C’est en fait une passerelle offrant le vide et la Columbia river sous nos pieds et qui, étrangement, est dépourvue de passage piéton.
Je suis en quête du fameux panneau bleu où il est indiqué Bridge of the Gods, mais il se trouve de l’autre côté du pont, lorsqu’on se trouve dans le Washington.
Je filme un peu ma traversée mais je ne fais pas trop le malin sur cette passerelle avec le vide et le vent qui s’infiltre dans les trous de la passerelle. La frontière est marquée par un simple panneau au milieu du pont. Je prends le temps de me retourner pour saluer les montagnes de l’Oregon.
Mes camarades sont juste devant moi et nous nous retrouvons au bout du pont pour les traditionnelles photos devant le fameux panneau en nous frayant un chemin entre les voitures qui s’apprêtent à prendre le pont.
Quelques franches accolades et le temps de nous dire au revoir est venu.
Même si je sais que ma décision de rester 2 jours de plus à Stevenson pour me reposer et me remplumer est la meilleure, je ne peux m’empêcher d’éprouver du regret à laisser partir mes compagnons.
Même si nous n’avons pas été 24/7 ensemble, et avons gardé notre autonomie, nous n’étions jamais loin les uns des autres, nous faisions en sorte de nous retrouver le soir et le midi.
Nous avons pris des décisions ensemble et souvent de très bonnes, nous avons « couché » ensemble dans des motels, avons appris les uns des autres sans jamais nous l’avouer, nous avons gardé la bonne distance tout en veillant les uns sur les autres.
Nous avons tous des personnalités, des origines et des âges différents, mais nous nous sommes retrouvés sur la manière de marcher, sur le respect de notre autonomie.
Au départ, aucun d’entre nous n’aurait imaginé marcher autrement que seuls sur ce trail, mais notre cadence mêlée à la juste distance fait que ça a « matché » comme on dit. Il est rare qu’un groupe arrive à tenir aussi longtemps ensemble sur le PCT, surtout quand ce n’est pas la manière d’envisager la marche au départ mais voilà, nous avons formé une famille, une tramily.
Une autre raison tient je pense à cette indicible cause qui nous a amené sur le PCT et en même temps à cette détermination chevillée au corps d’arriver au Canada !
Nous sommes tous, je crois, à un point de questionnement de notre vie, de prise de recul.
C’est drôle car nous passons tous une décennie pendant le PCT (ou presque). Ça tient peut-être à ça finalement.
Avec ma French connexion, je n’aurais pas pu rêver meilleurs compagnons de route. En les regardant partir, je me dis que j’étais là où je devais être avec les bonnes personnes.
Il y a donc un paradoxe à devoir quitter ces 3 amis chers et le signe de la main d’Hide N’ Seek en partant m’émeut mais voilà, les raisons personnelles l’emportent à ce moment-là et j’espère que nous nous retrouverons.
C’est ce que nous nous sommes promis dans environ un mois au bout de l’aventure dans le chalet des parents d’Hide N’ Seek à Winthrop.
Je suis vite réconforté par une de ces rencontres magiques sur le trail. Un pick-up s’arrête à ma hauteur et je fais la connaissance de Shannon et de Wayne. Leur sourire et chaleur spontanés font plaisir. Ils m’offrent un Coca et des fraises. Ils reviennent de leur « cabin » qui se cache non loin de là, dans l’épaisseur des forêts du Washington, Etat que l’on surnomme « The Evergreen ».
Je me pose sur l’aire de route qui propose une vue panoramique sur le pont des Dieux. Je prends le temps de savourer mon Coca et mes fraises. J’ai un peu de temps avant de faire le check-in à l’hôtel que j’ai réservé à Stevenson.
J’ai choisi cette petite bourgade pour mes 2 jours supplémentaires de repos car ça a l’air plus paisible que Cascade Locks et surtout c’est moins cher.
Je prends le temps d’appeler Florent pour lui partager mon arrivée au Bridge of the Gods.
Après quelques heures de pause, je décide de faire de l’autostop et après plusieurs minutes, je suis pris par un jeune du coin, Josh.
J’arrive au Rodeway Inn, motel avec une chambre assez rudimentaire, mais qui ira bien pour ces 2 jours de repos.
Je passe le restant de ma 1ère journée tranquillement dans cette petite bourgade qui est à la hauteur de ce que les gens en disent : paisible avec quelques petits commerces essentiels et un bord de rivière très charmant où est accosté un magnifique bateau à roue à aube.
J’aurais pu être au bord du Mississippi avec Tom Sawyer et Huckleberry, surtout qu’on se situe dans la région de la baie qui porte justement le nom de huckleberry et qui ressemble à une myrtille.
Mais non, je suis au nord de la Columbia river et au milieu coule … la frontière de l’Oregon et du Washington.
Je prends le temps d’admirer la vue et la vie plutôt inhabituelle sur le PCT. Je vais prendre un lunch au Red Bluff, un resto qui m’a l’air sympa avec plusieurs choix de bières pression.
Je prends mon temps et rattrape un peu mon blog.
Je fais quelques courses rapide pour mon petit dej et mon repas du soir et je rentre à ma chambre.
Le lendemain est aussi tranquille. Je retrouve Clémentine, Early Bird, qui vient d’arriver et qui fait également une pause de 3 jours à Stevenson.
Nous prenons le lunch ensemble sur une terrasse de restaurant.
C’est marrant comme nous sommes désormais conditionnés par notre aventure. Nos discussions ne tournent qu’autour du PCT. Nous échangeons des conseils sur la stratégie à adopter dans le Washington : ravitaillements, nombre de jours restants… Nous comparons sans gène nos doigts de pieds abimés par la marche, alors que des couples ou familles bien habillés nous entourent.
Le soir, de retour au motel, nous improvisons un plateau fromage accompagné de vin rouge avec ce que nous arrivons à trouver d’à peu près relevé dans la seule épicerie de Stevenson. Nous essayons de ne pas trop penser aux bons fromages savoyards riches en saveurs, fruités et coulants, puisque nous provenons tous les 2 des Alpes.
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