18 août 2022 : 26 mi / 42 km - D+ 1050m / D- 1300m - Total : 2379 miles / 3834 km
Au petit déjeuner ce matin, j’ai le droit à une petite assemblée de fouineurs qui semblent trouver un intérêt au contenu de mon sac, et particulièrement mon sac de nourriture… j’ai nommé les chipmunks et des oiseaux. Même pris sur le fait en train de grimper sur ma boîte qui contient mes bars de céréales, ils s’en foutraient presque les insolents! L’un d’eux essaye de tirer les bars de la boîte… il est temps que j’intervienne, non mais c’est qui le tôlier ? J’arrive à en prendre un en photo sur mon sac et un bel oiseau sur un rocher, un Mesangeai du Canada (bien pratique ces applis qui permettent de mettre un nom sur la faune et la flore, surtout quand elle est variée comme ici).
Ça me fait penser à cette photo du photographe Vincent Munier pour les amateurs, celui qui a fait le film « La panthère des neiges » avec Sylvain Tesson. Un jour, il prend un faucon en photo sur un rocher et s’aperçoit des mois après que derrière le rocher, la panthère des neiges qu’il était venu traquer avec son appareil sans succès, était en fait là, en train de l’observer lui. Une grande leçon au passage sur la nature qui se tapit autour de nous.
Bon déjà, je n’ai pas le talent de Vincent Munier, mais j’ai quand même bien regardé derrière le rocher, et hélas pas de pumas, qui pourrait être l’équivalent ici. Dommage.
Je dédierai un jour de mon blog à tous ces animaux si propre à l’environnement de l’Ouest américain et que l’on peut rencontrer, de manière plus ou moins fréquente sur le trail : les cervidés, les écureuils et chipmunks, les oiseaux, que je pensais plus fréquents surtout les rapaces, les papillons qui à l’inverse ont fait ma surprise tant j’en ai vus, les moustiques dont je me serais bien passé, les marmottes, les serpents, et bien sûr ce que je considère comme le roi de la nature ici… l’ours noir !
Je quitte le joli lac « mouton », encore un nom de lacs comme le « Bear Lake » qui ne tient pas ses promesses, puisqu’aucun troupeau de moutons aux alentours.
Ça démarre bien raide ce matin jusqu’à un col que je pensais être le Chinook pass, du nom d’une tribu amérindienne, mais le Chinook était en réalité avant le Sheep Lake.
N’empêche que je retrouve un peu les caractéristiques des Sierras avec le passage de cols, mais le paysage est très différent. D’abord , pas de névés à traverser alors que pourtant, il y a quelques semaines il y en avait plein en raison de neiges tardives. Ensuite, c’est beaucoup plus vert et la roche est plus ocre. Enfin, l’altitude n’a rien à voir. Dans les Sierras, on n’avait pas l’impression d’être haut et pourtant on était à plus de 3000m tout le temps.
Ici, c’est l’inverse, on a l’impression d’être assez haut et en fait on ne dépasse que rarement les 2000m.
Pourtant, ce ne sont pas les pentes qui manquent.
La 2eme montée offre une vue magnifique sur le Mont Rainier qu’on a contourné par l’Est. On voit très bien les nombreux glaciers. Il est très impressionnant.
Je retombe sur Portal, qui semble ne pas être dans un bon jour. Elle traîne un peu des pieds.
Depuis quelques jours, je commence à ressentir le mal aux épaules, un coup la gauche, un coup la droite. Souvent, c’est le matin que la douleur est la plus forte et le soir quand je suis sur mon matelas.
J’essaye de concentrer mon attention sur autre chose pour ne plus penser à cette douleur. Depuis quelques jours, je me suis mis à réécouter des podcasts que je télécharge.
C’est marrant comme mon avis a changé par rapport à la musique et les podcasts.
J’étais de ceux qui pensaient que la musique ou autres sujets d’écoute était une absurdité quand on marche. D’une part, au début, je n’avais aucune envie d’écouter des émissions même de divertissement qui me ramènent à la France, je voulais vraiment cette déconnexion.
D’autre part, je trouvais ça absurde de ne pas être à l’écoute plutôt des éléments alentours.
Finalement, après plusieurs mois, je m’y suis remis, car la musique s’harmonise, quand on la choisit bien, avec l’environnement.
C’est aussi un moyen, il faut l’avouer, de passer le temps quand les paysages sont moins à leur avantage ou quand c’est dur parfois.
Encore une fois, la nature n’est pas toujours ce fantasme de la beauté absolue devant laquelle on est pris de béatitude.
Justement, pour apprécier les superbes paysages, il faut qu’elle soit un peu ordinaire par moments.
A certains moments, je dirais même que la musique permet de redonner un petit coup de booster.
La douleur a tendance à s’estomper dans l’après-midi.
Après la pause déjeuner, que j’ai prise dans l’herbe aujourd’hui (dès qu’on peut éviter la poussière, il ne faut pas se priver), je me sens même plutôt bien et de mieux en mieux après la recharge d’eau en plein milieu d’une zone brûlée.
J’y croise ce couple qui porte tous les 2 la même tenue orange à un point que je les croyais venir de Hollande. Ce sont bien des américains : Base Camp pour la fille et Yeti Legs pour le gars. « Yeti Legs » car il a des jambes comme des poteaux tellement elles sont énormes, un rugbyman à côté passerait pour un cycliste.
Je m’étais fait secrètement la réflexion la première fois que je les avais croisés dans une montée épique dans l’Oregon.
Mais c’est tellement flagrant que sa femme a délibérément choisi un trail name qui évoque ses jambes. « Montée épique » car c’était la plus dure et la plus longue de l’Oregon et que pourtant j’avais du feu dans les jambes cette après-midi là. Pensant que personne ne pouvait me doubler cette après-midi là, je vois ce couple fondre sur moi avec la fille en tête, déchaînée, les poignées serrées sur ses bâtons frappant le sol comme si elle voulait les enterrer. Elle m’avait lancé un « I’ve had too much sugar today », si fort qu’on aurait cru qu’elle parlait à un sourd . C’était après le petit dej à volonté de Timberline lodge. J’avais envie de lui répondre « t’es sûre que c’était pas de la coke ? ».
Bref, j’ai retrouvé Base Camp et Yeti legs aujourd’hui et nous nous sommes amusés à nous rappeler ce moment.
Je ne sais pas si je ne cachais pas un petit esprit de revanche, mais en repartant derrière eux, j’ai passé la 5ème d’un coup et si ce n’était pas pour le poids de mon sac, je crois que j’aurais même couru.
Mes jambes se sont emballées pendant 16 kms, je me suis à peine arrêté au refuge de Mike Urich, très joli, et je suis arrivé au camp avec le poids de la fatigue me tombant d’un coup sur le corps une fois mon sac retiré.
Pour la petite histoire, Yeti legs et Base Camp sont arrivés 20 minutes après moi.
C’était une belle journée, non pas par le temps un peu couvert, mais par les paysages variés et parce que je me sentais fort dans les jambes. Comme dirait l’autre « c’est de bonne augure pour la suite …"
hello Vinc' c'est marrant l'oiseau cité plus haut nous avait été annoncé comme un robber camp ou geai gris, il porte bien son nom de voleur car effectivement il n'a pas froid aux yeux et s'approche facilement dès que tu t'arrêtes pour manger un morceau.
Quant à la cabane de Mike Urich, quand nous sommes passés il y avait un couple de locaux qui fêtait son mariage et du coup nous avons eu droit à un hot dog et un coca à défaut de pièce montée... la nana avait même apporté sa robe, elle pendait à l'intérieur. Ce tracé est tjs plein de surprises !