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Day 127 PCT : Valhalla Lake - Grizzly peak - Km 3993

vincentsouverain51
25 août 2022 : 16 mi / 26 km - D+ 1100m / D- 800m - Total : 2509 miles / 4004 km


Je quitte Stevens Pass assez tard direction Stehekin, qui sera mon dernier point de ravitaillement. Je prévois 4 jours pour arriver là-bas et 9 à 10 jours pour rejoindre le Canada.

Je me souviens que j’avais découpé mon aventure en 29 étapes, variant chacune de 3 à 8 jours en fonction de mon réapprovisionnement.

J’entame donc là ma 28è étape pour aller à Stehekin où m’attendra mon dernier colis. Et puis ensuite, ce sera la dernière ligne droite, enfin pas tout à fait droite, pour aller au Canada et donc à l’arrivée.

Mon organisation s’est passée jusque là à peu près comme je l’avais prévue avec la juste dose d’imprévu comme de prévoir des colis en plus avec mon groupe pour prévenir l’éventuelle pénurie de denrées en raison du regroupement de hikers, la fameuse « bubble».

Les 5 colis que j’avais préparés depuis San Diego et que Géraldine m’envoie quand je la préviens, sont pour l’instant tous bien arrivés.



Hier, j’avais la tête à l’arrivée et j’essayai de m’extirper de ces pensées. Aujourd’hui, mes pensées sont tournées vers le passé et le chemin déjà parcouru.

Comme souvent, je me fais la réflexion de la chance que j’ai eue, comme avec la météo par exemple, exceptionnellement clémente avec seulement 3 jours qu’on ne peut même pas qualifier de « pluie » mais durant lesquelles, il y a eu des averses finalement très passagères.

De la chance aussi avec les incendies, puisque, pour l’instant, j’ai toujours réussi à les devancer. Finalement, je n’aurai eu que cette partie de 20 miles dans l’Oregon appelée Lionshead, fermée depuis 2020. Je ne crie pas victoire trop vite. Les incendies sont une discussion récurrente parmi les randonneurs du PCT et je me souviens de la discussion avec Hide N’ Seek qui me disait qu’une année, l’accès au monument d’arrivée avait été fermé. Moi qui m’attendais à de la pluie dans le Washington et de la sévère puisque c’est aussi la réputation de cet Etat, voire de la neige soit tardive soit hâtive, me voilà sous la menace d’incendies. Comme quoi, on ne peut rien prédire.



Alors de la chance, certes, mais j’ai toujours du mal à m’en remettre complètement au hasard car les conditions de la réussite de mon aventure tiennent aussi à certaines bonnes décisions prises, souvent avec ma petite bande, ou à ma préparation avant de venir comme toute cette partie logistique. Comme un peu la course à pied ou d’autres choses de la vie, le plus dur est la préparation.

Quand on est bien préparé avant de partir, on peut se faire confiance sur le bon déroulement de l’aventure et laisser la part belle à l’imprévu.


Cependant, quelques petites mésaventures commencent à arriver comme le virus attrapé à Snoqualmie ou ma chaussure qui s’est ouverte sur toute la largeur en accrochant un rocher.

Ces petites péripéties me font dire que la fin est proche et qu’il est temps que j’arrive.

Je repense à ma décision d’hier de ne pas aller jusqu’à Leavenworth. Cela aurait été sûrement très sympa mais autant je prends plus de temps dans le Washington, je profite, je vagabonde et parcours moins de km par jour, je ne m’impose aucune contrainte… autant, j’ai l’esprit à l’arrivée.

J’ai aussi un mauvais pressentiment que les incendies vont avoir leur mot à dire dans les jours restants. Peut-être que je suis un peu pessimiste ou que j’ai peur d’être privé d’une fin en apothéose. En tout cas, les feux que j'observe de loin alimentent ce mauvais pressentiment.



D’autres pensées me traversent depuis quelques jours à vrai dire et qui m’amènent à des réflexions sur mon aventure.

Je me souviens d’Hide N’ Seek qui souvent parlait d’elle et de ses « dumb thoughts »… « it’s just me and my dumb thoughts today », plus exactement. Ce me faisait toujours sourire.


C’est donc un peu perdu dans mes pensées que j’arrive au Valhalla Lake, l’occasion de faire la pause du midi.





Dans mon classement des lacs les plus beaux, et là où le moment est juste parfait pour profiter du calme, celui-ci aurait une place toute particulière. Je pense à cette fameuse réplique dans le film Alexandre le Bienheureux : « il faut prendre le temps de prendre son temps », ou d’accepter d’en perdre un peu pour en gagner plus en retour. Alors, je m’assois, je savoure, et par gestes lents, j’observe les contours verdoyants, les reflets d’une eau placide et limpide à peine ridée par un vent qui ne dépasse pas les 5, 6 km/h.

Des conifères en rangées désordonnées sont presque tentés de plonger leur pied dans l’eau. C’est étonnant. Je n’ai même pas envie de perturber cette harmonie par une baignade, qui par 33°, serait plutôt agréable.





Je repars pour une 15 aine de km et me décide à camper juste après la dernière montée de la journée qui culmine à 1665m. Ce n'est pas une grosse journée mais elle me va bien, 26 km, 6h30 de marche.



Je trouve un campement qui a tout du campement idéal : un promontoire avec quelques restes d’arbres morts au bout d’un champs de myrtilles qui donne une vue imprenable sur le Glacier Peak, coiffé d’un nuage lenticulaire comme une onde déposée, aux teintes orangées.





Le silence, comme à l’image de cette journée paisible, est absolu. C’est parfait.

J’ai ce sentiment si particulier de quiétude et de solitude bienfaitrice.

Je n’ai croisé quasiment personne de la journée. Je prends mon temps avant de manger en me disant que ce lieu et ce moment seraient parfaits pour une rencontre avec un plantigrade.

Le lieu est idéal : champs de myrtilles, petit vallon avec des arbres à bonne hauteur, traversé par un petit cours d’eau juste en dessous. Qu’on me récompense de cette journée par une compagnie mammifère velue !



Après de longues minutes à observer ce ciel de traîne, j’entame une réparation un peu vaine de ma chaussure percée, tranquillement installé dans ma tente.

Je n’ai plus que quelques enfilades pour une chaussure dont je sais qu’elle résistera au mieux une demie-journée. Ensuite, au lit !


Tout d’un coup, j’entends des pas précipités, comme si une armée venait profiter de la nuit naissante pour attaquer l’ennemi.

C’est en fait un randonneur qui vient s’installer juste à côté de moi. Pas vraiment la compagnie que j’attendais !

Il me demande si j’ai du fil et une aiguille car il a sa chaussure trouée.

Je sors ma tête de la tente et le dévisage ébahi en me demandant si je ne suis pas dans un univers parallèle avec mon autre moi.

Alors, si je comprends bien, j’ai passé la journée seul dans un calme divin, et à l’instant où cette journée parfaite s’achève, je me retrouve affublé d’un comparse qui a le même problème que moi, une pompe ouverte au même endroit, au même pied et d’une marque identique à la mienne, Hoka ! Elle est où la caméra cachée ?


Encore halluciné, je lui tends mon kit de fortune.

On peut dire qu’on fait la paire !



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6 Comments


Isa Pct
Isa Pct
Aug 14, 2023

c'est dingue ces similitudes 😵

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Richard PRADES
Richard PRADES
Aug 12, 2023

Passionnant 😊

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vincentsouverain51
Aug 17, 2023
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Merci Riri !

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Lolo Malt
Aug 12, 2023

Incroyable… quel texte!

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Lolo Malt
Aug 12, 2023
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Et j ai ressenti l’apaisement , bravo!

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