28 mai 2022 - 22 mi / 35 km - D+ 1700m / D- 1200m - Total : 688 miles / 1106 km
Je repars ce matin avec le groupe de Lake Isabella grâce à Groovy, l’épouse de Mad Ermit qui nous a généreusement ramené sur le PCT.
Je me suis, cette fois encore, dévoué pour aller dans le coffre avec Pirate.
Cette journée n’est pas particulièrement dure. Elle a la juste quantité de dénivelé habituelle, soit environ 1000 m.
Nous sommes clairement sur 2 journées à venir de transition entre la fin de la Californie du Sud avec le désert et le début des Sierras.
D’ailleurs, les vues offertes sont spectaculaires.
Nous naviguons entre le versant Nord Ouest, qui nous offre une perspective sur la chaîne des Sierras, et le versant Nord Est avec la vue sur le désert de Mojave.
D’ailleurs, nous pouvons déjà voir au loin le Mont Whitney.
Je traverse un pays, un état et en réalité depuis le début, j’ai l’impression de traverser de multiples pays et souvent d’ailleurs en une seule journée.
J’ai l’impression d’avoir vu la France avec des paysages qui rappellent la garrigue provençale, le maquis corse, les dunes du nord, les pins des Landes, les vallons d’Auvergne, les pentes enneigées des Alpes…
Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être sur des plateaux d’Afrique ou d’îles des DOM TOM, avec une pierre rouge saillante et des buissons bas épars mais d’un vert éclatant. Mon ignorance ne me permet de donner le nom à ces buissons. J’aimerais le savoir.
La fin de la Californie du Sud vient comme le bouquet final d’un feu d’artifice, un résumé de tout ce que j’ai vu depuis le début : l’immensité des montagnes qui se chevauchent, l’étalement du désert, des arbres de toutes sortes, des couleurs un peu partout, je revois des manzitanas, ces arbustes couleur acajou qu’on croirait polis, des cactus…
Le spectacle est grandiose, les acteurs de cette nature sont virtuoses… et pourtant c’est une simple rencontre qui m’aura sans doute le plus ému aujourd’hui.
Dès la première pente passée, je retombe sur un duo que j’avais vu à Agua Dulce, un hiker et son chien, Misogui, un huskie.
Les hikers avec des chiens sont peu nombreux et ils me fascinent, parce que je trouve ça courageux et incroyable de marcher aussi longtemps avec un chien face à des éléments naturels difficiles et aussi parce que, secrètement, c’est ce dont je rêve aussi avec mon Golden retriever, Phoenix.
D’ailleurs, c’est marrant mais quand je les avais vu la 1ere fois, je m’étais intéressé au nom du chien sans demander le nom de son maître hiker.
Maintenant, je le sais, c’est Aimless !
Nous discutons un peu et il me dit que justement le jour où je l’ai vu, il a dormi dans un endroit plein de tiques, si bien que le lendemain, ils se sont réveillés tous les deux couverts de tiques sur tout le corps.
A défaut d’avoir une pince à tiques, il a du passer une journée complète à retirer les tiques de Misogui.
Son chien a toujours un tique de la taille d’une pièce de 2€ au col.
Alors, je lui ai donné ma pince à tiques. Je savais que dans certains coins du PCT, il y en avait. Il ne connaissait pas cette pince.
Il était très content.
Pas autant que moi.
J’ai vu dans cet échange et dans le fait de pouvoir l’aider un petit moment spécial, presque gracieux et ça m’a touché.
Bien sûr, j’ai repensé à mon chien qui me manque beaucoup, mais le fait de pouvoir l’aider m’a renvoyé à la générosité et la simplicité de certains moments ou de gestes dont je suis témoin depuis le début de mon aventure.
C’est sûrement difficile à comprendre et ça peut paraître un peu béat, mais j’apprends à me contenter du peu qu’il y a autour de moi. De simples gestes, comme des « hitch » offerts pour aller en ville ou un sopalin trempé après une traversée de désert, m’ont procuré un bien immense. Alors, je me dis que le fait de donner ma pince à tiques et de rendre service ont dû faire du bien à Aimless et Misogui.
Les choses n’ont pas besoin d’être clinquantes, grandiloquentes, pour être belles , importantes et appréciées.
C’est comme le simple fait de cette rencontre et de sa furtivité.
On pourrait croire que c’est le temps qui fait qu’on apprécie des gens, à l’image du groupe avec qui je marche en ce moment, et c’est vrai car nous commençons à nous apprécier, être à l’aise ensemble, nous connaître sans rentrer dans nos vies privées.
Pour autant, un échange furtif peut relever de la plénitude et vous faire beaucoup de bien.
Je pense que ce duo restera un bon moment dans mon esprit.
Je viens chercher dans cette aventure surtout de la quiétude et de la solitude, mais le bien-être se trouve aussi dans le rapport à l’autre. C’est ce qui nous définit également. Il n’y a pas d’actes généreux sans L’autre.
Je me souviens des derniers mots de Christopher Mccandless qui mourra seul dans le bus qu’il trouva comme refuge lors de son aventure funeste dans l’Alaska (« into the wild ») : « Hapiness is only real when shared ». Je partage. sauf la partie funeste !
J’en reviens finalement aux 3 choses qui me marquent depuis le début, le plaisir de découvrir des paysages fabuleux, le besoin de me retrouver seul et le bonheur de rencontrer des gens parfois très différents de moi.
Ce qui m’aide également à apprécier les moments simples, et qui va dans le sens du contentement, c’est que je me garde de porter un jugement sur ce que je peux observer, que ce soit les gens, des aspects de la vie américaine, ou des lieux. Alors, c’est sûr que c’est plus facile dans des décors magnifiques, mais il y aurait des choses à dire sur plusieurs aspects comme dans la vie de tous les jours, mais je ne suis pas là pour critiquer ou tomber dans le travers des clichés. Je ne dis jamais « je pense que…, si tu veux mon avis… tu sais …» je n’en ai ni la compétence d’abord, ni l’envie, et je m’écarte des gens qui le font.
Je prends tout ce qu ´il y a de positif, je suis dans le moment, je mets un pied devant l’autre, sans rétroviseur, sans projection.
Juste ce qu’il faut pour anticiper l’étape du lendemain et me préparer pour être en sécurité.
La fin de l’étape est difficile car le campement que nous avions prévu dans le fond d’un vallon est plein.
Il nous faut donc grimper jusque la crête exposée au vent pour trouver de la place.
6 km en montée alors qu’il est déjà 19h est psychologiquement dur à assimiler mais nous n’avons pas de choix.
Nous terminons vers 21h à la frontale avec du vent qui annonce une nuit très froide. Pas le choix, ce sera cow-boy camping ce soir.
Tu as tout à fait raison... le bonheur se cache dans les choses simples du quotidien...
Le fait d'avancer sans juger et de goûter au jour le jour tout ce qui t'environne est la quête...
Vous avez bien du courage !
Vous êtes des warriors !! J’espère que la nuit n’a pas été trop dure !!