21 juillet 2022 : Zero day !

L’auto-stop sur la highway 5 pour se rendre à Ashland, 1ere ville de l’Oregon, est facile.
Nous sommes déposés devant l’hôtel par un couple qui fête son examen de médecine.
Comme à l’accoutumée, nous partageons une chambre avec Sweeper, Hide N’Seek et Pirate.

Ashland a l’air très sympa, on dirait qu’elle est emprunte de la culture indienne (entendez Inde) et indienne aussi (comme dans…indien quoi). Certaines fresques murales donnent également l'idée d'une ville un peu hippie. Bref, on dirait qu'il fait bon vivre à Ashland.


L’attente du check-in au Flagship Inn est l’excuse toute trouvée pour mettre en place le rituel du petit déjeuner orgiaque. La référence priapique de notre cible, « le Morning Glory », confirme l’orgie annoncée.
J’aurais pu laisser courir mon âme poétique en disant que « la Gloire du Matin » est une jolie fleur pourpre qui ressemble au Pétunia et qu’on appelle aussi «la belle du jour »; j’aurais pu me contenter de la référence à la chanson d’Oasis, mais voilà « the Morning Glory » est aussi ce qu’on attribue à la gente masculine lorsque la conscience du réveil matinal est suffisante pour nous apercevoir qu’il sera difficile de se réveiller sur le ventre, ou qu’il faudra attendre un peu avant d’esquisser les premiers pas du matin… sans doute la conséquence d’un rêve agité et l’annonce d’une belle journée … Autrefois appelée le tracassin, la plus imagée Gloire matinale est tout simplement la béquille, l’érection !
Les propriétaires ont su sentir dans ce jeu de mots l’appétit vorace des hikers privés pendant des semaines…
L’endroit est charmant, et sans vouloir prolonger la métaphore, la queue devant l’établissement avant même l’ouverture, confirme la réputation qui le précède.


Heureusement, nous sommes les premiers et nous pénétrons dans le Morning Glory sans attente. Le choix est toujours difficile tant le menu est alléchant. L’omelette enrichie d’avocats, de bacon et de fromage est toujours une valeur sûre pour une grosse faim. Un pancake surmonté de baies avec un peu de crème fouettée complète parfaitement ce petit-déjeuner, qui ne sera pas parfait s’il n’y avait pas le cafe à volonté, à condition de ne pas être regardant sur son aspect translucide qui lui vaut son appellation de café « américain »…tout est dit lorsqu’on lance le fameux « ah, mais c’est du café américain ! ».

Il est toujours avisé de faire son rapprovisionnement après le petit-déjeuner. Ça évite l’emballement sur les denrées inutiles qui vous font maudire votre sac pendant 3 jours.
Je me dirige donc vers le supermarché le plus proche, en l’occurrence ici, Safeway.
La gymnastique cérébrale du ravito peut démarrer. Surtout qu’ajourd’hui l’enjeu est de prévoir un ravito d’avance en raison de l’espacement des villes qui s’annonce à partir de l’Oregon. J’ai déjà prévu un colis qui partira de chez Geraldine pour Mazama Village, juste avant Crater Lake. Je vais en prévoir un autre jusque Shelter Cove, un camping resort peu achalandé, qui se trouve après Crater Lake.
Je dois donc acheter pour environ 9 jours de nourriture. Le premier réflexe lorsqu’on se ravitaille est d’aller dans le rayon « barres énergie » car ils sont vite pris d’assaut par les hikers, et la multiplication du besoin quotidien par le nombre de jours débouche sur un nombre assez conséquent. Je prends en moyenne 7 barres par jour, 4 le matin et 3 l’après-midi, autant dire qu’on pourrait vite me prendre pour un recéleur de barres : « tiens, t’en veux ??… y’en a…j’ai de la pure coco…nut, certes enrobée de chocolat, mais c’est de la bonne, vas-y les yeux fermés, avec ça, tu décolles en moins de 2 … »
Je commence à me repérer un peu mieux dans les rayons désormais, je commence à connaître les produits type de chaque enseigne et où ils se trouvent. Je sais que je pourrai retrouver ma « laughing cow » (vache qui rit) dans le rayon frais aux extrémités des caisses, non loin des quelques fruits, 2 pommes, 2 bananes et 1 pêche (jour de fête !), que je m’autorise à prendre pour les 2 premiers jours.
Ensuite, je procède par la temporalité de la journée : matin, midi, soir; en vérifiant tout de suite après les barres que le rayon Tortillas est encore fourni, et attention quand il s’agit de tortilla, on ne fait pas n’importe quoi. Fini les erreurs de débutants à se jeter sur le 1er sachet de tortilla qui vient. Déjà s’assurer de la taille, ni trop grand ni trop petit, du nombre, pas plus de 10, et surtout bien vérifier qu’on ne prend pas les tortillas au maïs, mais celles au blé !! Autant celles au blé sont légères, intacts et presque délicieuses, autant celles maïs sont infectes, friables et plus lourdes !! J’entends déjà rire ceux qui reconnaîtront cette erreur en lisant, quant à ceux qui envisagent cette aventure, ne mésestimez pas le choix des tortillas. Et si vous vous dites que vous pourrez vous en passer car c’est bien un truc d’américain de mélanger en plus n’importe quoi dedans (nutella, chips, peanut butter, fromage, thon !) et qu’en bon français, vous compenserez par du pain tranché ou au pire des bagels, eh bien le poids vous fera vite revenir aux tortillas !! Vous n’y échapperez pas !! Et quant au mélange, la minauderie des premiers jours sera vite remplacée par un très philosophique et résigné « what the fuck !! ».
Les produits du petit-déjeuner sont les plus faciles à choisir : sachets de céréales, lait et chocolat en poudre.
Ensuite, il faut vite se rendre dans les allées dédiées aux plats tout préparés qui se résument aux sachets de thon, puisqu’il n’y a guère d’autres choix pour remplir ses tortillas tout en s’équipant léger. Si le magasin est grand on peut trouver des sachets de salade de poulet, dans lesquels les infimes morceaux de poulet sont dilués dans une sauce qui donne le nom de salade, car de salade, au sens vert du terme, il n’y en a pas. Mais ce n’est pas mauvais et surtout ça change du senpiternel thon. On peut trouver des sachets de saumon aussi, qui n’ont de « saumon » que le nom car en réalité ça a le même goût que le thon. En tout cas, comme pour le rayon des barres énergie, il faut prier pour qu’il y ait encore du stock, car ces sachets, malgré leur manque de diversité, sont les plats favoris des hikers.
Pour varier un peu mes plats du midi, je me risque à du jambon cru quand j’en trouve.
Pour le soir, je prends comme d’habitude des pâtes ou du riz lyophilisés et du couscous, mais l’arrivée à Ashland marque un changement.
En arrivant à l’hôtel, je demande une balance car je remarque que mon poids a encore baissé. Je suis à une perte de 16 kilos, et je pèse désormais 68 kg.
Hormis la légère satisfaction de m’apercevoir que j’ai retrouvé le poids de mes 16 ans, c’est l’inquiétude qui prime et il va falloir que je mette une autre stratégie calorique en place.
En échangeant avec Clémentine que je retrouverai le lendemain, je prendrai désormais des pâtes normales mais les plus petites pour faciliter la cuisson. J’y ajouterai de l’huile d’olive et du parmesan râpé.
Une fois les courses terminées, direction le service postal US pour envoyer le colis à Shelter Cove.
La scène est surréaliste, nous sommes plusieurs à étaler notre ravitaillement sur le trottoir de la Poste pour préparer nos colis.
L’organisation millimétrée de chaque journée étalée sur le trottoir est contradictoire avec le lieu et l’impression que cela rend pour les badauds qui passent. Quoiqu’on en veuille, on doit passer pour des clochards, mais des clochards qui peuvent toutefois se payer une 60 aine de barres énergétiques, entre autres.


Puisque la ville est teintée d’hindouisme, je décide de déjeuner indien. Les effets du petit déjeuner copieux sont déjà passés.
Cela tombe bien, la rumeur d’un buffet indien à volonté court parmi notre communauté.
Sébastian, l’allemand qui avait fait tomber son sac à dos dans la rivière après Belden, m’a rejoint et nous décidons d’y aller ensemble.
Après le déjeuner, le rituel du jour de repos continue.
Direction l’hôtel pour le check-in puis la première laverie pour faire la lessive.
Comme lors de chaque attente au laundromat, je tombe de fatigue et je m’endors sur ce que je peux trouver pour m’asseoir. Évidemment, mes comparses ne ratent pas l’occasion d’une photo volée.
Comme à chaque réveil, si le linge tourne encore, je me mets en recherche d’un pot de glace, d’un soda et d’une bière.
Une fois la lessive terminée, retour à l’hôtel pour pouvoir enfin reposer les jambes. Finalement, le temps de repos pour un jour qui en a le nom, est minime et je décide de rester le lendemain à Ashland pour un jour quasi complet. Clémentine arrive à Ashland demain et cela donnera l’occasion de passer un peu de temps avec elle. De plus, elle a proposé de m’aider à retrouver mes photos car elle est équipée d’un ordinateur pour son boulot qu’elle se fait envoyer à chaque étape en ville.
Je repartirai donc demain en fin d’après-midi sur le chemin.

Le soir arrive vite et nous décidons de commander des pizzas au bord de la piscine de l’hôtel.
Après le buffet gargantuesque du midi, j’ai moyennement faim mais je me force, conscient que le changement diététique… c’est maintenant !
Ha, ha, les hikers seraient atteints de priapisme... trop drôle 🤣!
Encore merci pour ton récit désinhibé et si réaliste quand tu abordes la bouffe et les ravitaillements, notamment les boites postales qui seront le graal des prochaines étapes... c'est tellement vrai !
Le tracassin !!! 🤣🤣🤣 Excellente la photo (de toi qui dort, pas de ta gaule matinale.... 😉) !
Je reconnais bien là ton âme poétique 😄 une agitation matinale libère l’esprit 🤣
Et be… bravo belle de jour pour ce texte riche et imagé😜