22 juillet 2022 : 9 mi / 15 km - D+ 650m / D- 300m - Total : 1799 miles / 2895 km

On prend presque les mêmes et on recommence.
Le Morning Glory, « gloire matinale, m’ayant laissé une très bonne impression la veille, je décide d’y retourner ce matin.
J’y retrouve Clémentine et Thierry, le Suisse, au petit déjeuner. Mes compagnons habituels de route y sont également.
L’occasion d’essayer une autre spécialité de la carte. Ce matin, je partirai sur les œufs Bénédicte, une autre spécialité répandue du petit-déjeuner.

La journée est tranquille, toutes les tâches sont faites. C’est appréciable d’avoir un jour qui peut s’appeler « jour de repos » et où le corps peut enfin récupérer.
Je repartirai en fin d’après-midi. Comme tous les hikers, j’ai ma routine de marche mais j’aime bien la briser de temps en temps et essayer d’autres moments, comme la nuit par exemple ou là, la fin d’après-midi.
En attendant, je vais passer la journée avec Clémentine qui est arrivée ce matin. Comme à chaque fois qu’on se retrouve ponctuellement sur le PCT, on passe un agréable moment entre « français » à raconter nos anecdotes depuis la dernière fois qu’on s’est quitté.
On se refile quelques conseils également, notamment sur la stratégie des réapprovisionnements à venir avec les villes qui vont s’espacer de plus en plus.
Au besoin, on s’aide aussi. Aujourd’hui, « Early Bird » me propose d’essayer de récupérer les photos que j’ai perdues avec son ordinateur qu’elle a réussi une nouvelle fois à « bouncer » depuis sa dernière ville étape. Nous passons une bonne partie de la journée à essayer sans succès, hélas.
Je repars donc vers 17h en direction de la Highway 5 jusqu’au Callahans Lodge où j’étais la veille et près duquel se trouve le PCT. Mais le « hitch », l’autostop, qui était si facile hier matin, s’avère un peu plus compliqué en cette fin d’après-midi. Un homme seul barbu en fin d’après-midi inspire moins confiance qu’un petit groupe jovial qui contient une fille. Cette réalité un peu « sexiste », au-delà du fait qu’elle ne m’arrange pas, me gène toujours un peu, mais bon c’est comme ça.
Un jeune finit par me prendre au bout d’une bonne demie-heure. Ne prévoyant pas au départ de m’emmener jusqu’au bout, il finit, au fil de la conversation, par me déposer pile sur l’embranchement du PCT.

Je reprends donc mon chemin dans un crépuscule naissant.
On me demande souvent si je fais des rencontres un peu bizarres et inquiétantes sur le trail. Surtout que pour moi, les rencontres les plus inquiétantes qu’il peut y avoir en pleine nature, restent les hommes.
Après une dizaine de kilomètres, alors que je suis déjà loin de la ville et qu’il fait déjà nuit, je tombe sur 2 hommes, un qui parait avoir une 50aine d’années et l’autre beaucoup plus jeune, son fils j’imagine.
Je les vois arriver de loin et un sentiment de méfiance me gagne doucement. Ils sont sans sacs, ce qui est pour moi toujours quelque chose d’étrange quand on est en pleine nature qui plus est en pleine nuit. En plus, ils n’ont pas de lampes. Qu’est ce qu’ils peuvent bien faire ici ? Savent-ils que la ville est à 2h de marche et qu’il est déjà très tard ?…
Je ne sais pas si le fait d’être un randonneur très équipé dans l’immensité de la nature influe mon jugement lorsque je vois des personnes en jean-basket. J’essaye de me rassurer mais le jeune a un physique un peu atypique qui renforce mon inquiétude. Je commets l’erreur de penser tout de suite à des films comme « Délivrance » ou des romans de David Vann. J’appréhende un peu le croisement et essaye de garder ma bonne humeur avec un salut amical, sans en faire trop non plus pour ne pas trahir cette inquiétude. Leur salut, en retour, est plutôt discret.
Alors, qu’est-ce que je fais ?… Je me retourne en anticipant une éventuelle attaque qui, le cas échéant, sonne la fin de l’aventure pour moi et une mort dans d’atroces souffrances ou je garde mon sang-froid en me disant que j’affabule ?
Eh bien, un peu le deux, je ne peux m’empêcher de me retourner, et en même temps je reste serein. Mon impression n’était pas fondée, et j’en suis bien content.
Je retrouve quelques couleurs et me marre même en voyant un peu plus loin un de ces petits panneaux losangés qui originellement, sont estampillés « PCT » mais qui par l’usure se sont effacés et ont laissé libre cours à l’imagination de certains hikers qui écrivent des messages souvent très drôles. « How many deers have you drunk ? », elle est bien non ?

Je parcours finalement 17 kms et après quelques hésitations sur le « tent site » et notamment un avec une belle vue, je finis par me poser un peu plus loin près d’un arbre sur un emplacement simple et à l’abri du vent.
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