28 juillet 2022 : 27 mi / 44 km - D+ 1050m / D- 1250m - Total : 1970 miles / 3170 km

Lovely day but…

Le joli lever de soleil pressenti hier soir tient toutes ses promesses.
J’essaye de profiter un peu, allongé sur le ventre dans ma tente mais une légère odeur de fumée met fin à ma léthargie.
La beauté paisible de cette matinée ne manque pas de contradiction.
Ce n’est pas une traînée de nuages mais la fumée des incendies qui vient peindre le bleu magnifique du ciel et barrer légèrement le soleil éclatant.
Ce que nous redoutions depuis le début, à savoir les incendies, sont désormais une réalité.
Jusque-là je n’avais traversé que des forêts anéanties par les incendies des années passées. Aucun feu, du moins proche du PCT, ne s’était déclaré notamment dans le nord de la Californie, ce que nous redoutions et qui nous faisait avancer d’un bon pas.
A partir d’aujourd’hui, je témoigne des 1ers incendies proches du PCT. Les rumeurs entre hikers le confirment. Il y aurait apparemment un incendie proche, entre Ashland et Windigo pass.
En démarrant ce matin et en descendant vers Windigo pass j’observe, en me retournant, les traînées de fumée de cet incendie.
Il doit être à un ou deux jours derrière moi. Je pense à Clémentine et à Gaspard qui sont justement à quelques jours derrière moi et avec qui je suis en contact.
J’essayerai de prendre de leurs nouvelles quand le réseau le permettra.
J’arrive assez rapidement à Windigo pass où Devilfish a donc laissé ses bonbonnes d’eau.
C’est toujours un peu difficile de tenir une soirée et une nuit sans eau à proximité du campement. C’est ce qu’on appelle le « dry camping ». Aussi, je prends tout mon temps en arrivant pour me réhydrater et remplir les bouteilles.

Devilfish, pour une fois, n’a pas laissé que de l’eau. Il y a autour des bonbonnes, des boîtes avec quelques surprises : une vielle balance qui ne marche pas. Dommage j’aurais pu faire faire le point sur mon poids. Il y a aussi une multitude de chargeurs et des couteaux flambants neuf. Je trouve ça intriguant et lis la note laissée par Devilfish. En fait, il s’agit de couteaux pour débroussailler.
Voici le deal : le couteau est à vous si vous acceptez de donner un peu de temps pour débarrasser le chemin de ronces ou de tout ce qui peut dépasser.
Est ce à penser que le chemin, jusqu’ici globalement très bien entretenu, devient une vaste savane débordante, une jungle anarchique et qu’il va falloir revêtir le costume d’Indiana Jones ?
Je suis tenté d’en prendre un car l’idée de pouvoir faire un peu de bénévolat m’a toujours plu depuis que je pense au PCT. L’occasion se présente ici mais finalement, je me retiens car un couteau est toujours un poids supplémentaire. Je passe beaucoup de temps dans une journée à réfléchir à la manière dont je pourrais me délester, soyons lucide à défaut d’être léger, je ne peux pas prendre ce couteau.
En reprenant la route, je m’aperçois que le chemin ne s’avère pas jonché de branches et de ronce superflues.


Depuis quelques jours, je mets un point d’honneur à me fixer un but intermédiaire pour ma pause déjeuner. C’est aussi parce qu’il y a une belle partie qui arrive avec beaucoup de lacs.
Le but intermédiaire de la journée est d’atteindre le Summit Lake.
Je m’y pose aux alentours de midi. L’endroit est très agréable et magnifique. Le lac est calme, il domine le mont semi enneigé de Redtop.
Je retrouve ma bande qui a déjà piqué une tête.
L’eau est bonne et je m’empresse de me baigner également. Même si la marche reste une activité relativement tranquille et que j’essaye de prendre le temps de la contemplation, il n’y a pas mieux qu’une baignade pour arrêter le temps et sentir tout son corps se détendre, surtout pendant une journée chaude.
Il n’y a pas mieux comme récompense.



C’est aussi et il ne faut pas se le cacher, l’occasion de faire un brin de toilette et de laver toutes les affaires portées qui sécheront de toute façon en moins d’une heure.
Un point sur la gestion de l’hygiène. On pourrait penser qu’il n’est point de situation qui ne requiert le minimum d’hygiène. Certaines contingences, la promiscuité parfois d’un bivouac et principalement la marche dans la sueur, la poussière du chemin rendent la chose essentielle. Pourtant il peut se passer plusieurs jours voire semaines sans douches et finalement on s’y fait bien et le pire est que je n’ai aucune honte à le confesser.
Nos instincts primaires font sans doute passer le manque d’hygiène plus facilement.
Je considère le minimum d’hygiène que je m’octroie comme de passer mon corps à l’eau d’une rivière, d’un lac ou aux lingettes bio comme finalement presqu’un luxe.
Après la baignade, j’enchaîne sur mon déjeuner composé de 2 tortillas comme d’habitude, une salée avec du thon et une sucrée avec du Nutella.
L’endroit est vraiment très beau, plusieurs libellules bleu volent autour de nous. Les libellules ont cet avantage qu’elles sont un prédateur de moustiques. Aussi, je peux me laisser doucement glisser vers un demi-sommeil sans risquer d’être dérangé.


Nous faisons la connaissance de nouveaux hikers. D’abord, « Sensei », qui signifie en japonais, le maitre, le sage…Je me demande ce qui lui vaut ce surnom. Lorsqu’il m’aborde en me demandant si j’ai un peu de Marijane, je comprends mieux le double sens de ce trail name. Je lui réponds que je n’ai que de la Meth. Il me prend au sérieux, « ah ouais, tu pourrais m’en passer ? ». Je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour lui faire comprendre que je plaisantais.
Quelques minutes plus tard, il se met à poil sous l’oeil à peine surpris de son compagnon de route, un hiker qui lui est en kilt. Il enfile un pantalon moustiquaire, transparent donc et sans sous-vêtements. Je ne savais pas que cela existait et encore moins que c’était l’occasion de laisser ses fesses à la vue de tous. Okay…
Au moment où je m’apprête à partir, je tombe sur un nouveau gars, un suédois, qui lui aussi revêt sa tenue d’Adam pour aller se baigner. L’endroit inspire décidément au bucolique primaire.



C’est après avoir traversé plusieurs charmants étangs et quelques névés, les premières de l’Oregon, que je franchis le marqueur des 1900 miles.
J’en profite, comme souvent, pour prendre ma dernière pause. La journée a été idyllique et très agréable avec cette pause au Summit Lake.
Mais pourtant, je ne traîne pas, les moustiques sont revenus à l’assaut.



Je me mets à la recherche de mon bivouac.
Il n’est pas si aisé de trouver un lieu de bivouac. Si on se montre trop difficile, on ne s’arrête jamais et on pousse facilement jusque la nuit pour finir parfois sur un bout d’emplacement bosselé. Si on l’est trop peu on s’arrête partout.
Aujourd’hui c’est encore une fois les lacs qui guident ma recherche. Le lac perdu, « Hidden Lake »… Il contient suffisamment de mystère pour que je m’y installe.
Ce lac porte bien son nom car en réalité, j’ai un peu de mal à le trouver. Je le vois sur l’appli Far out, mais ne le trouve pas. Il me faut passer une légère butte pour qu’enfin je l’aperçoive avec quelques emplacements. Je suis également guidé par le son de mes compagnons qui l’ont repéré aussi. Je devine, à leur tenue, que le Hidden Lake est infesté de moustiques. Peu m’importe, je décide d’aller me baigner. Ils n’en reviennent pas car il est déjà tard et les moustiques sont particulièrement coriaces.

Toujours aussi sympa de te lire, quel drôle d'énergumène ce Sensei, si j'ai croisé des mecs en kilt, aucun n'a montré ses petites fesses musclées dans un pantalon en résille... lol